Rouen ? Au départ, je n’étais pas très chaud. L’idée me semblait bonne, mais éculée. La ville où Jeanne d’Arc fut brûlée habitait mes souvenirs d’écolier, comme si la capitale de la Normandie était une cité pour les livres d’histoire et rien d’autre. Il aura fallu ce week-end dédié à la culture pour me rendre compte que Rouen, ce n’est pas seulement quelques pages dans les manuels de collège.
Une ville chargée d’histoire
Située à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Paris, dans un méandre de la Seine, Rouen tient une place élevée dans le top des villes les plus belles de Normandie et, disons-le, de toute la France. Mais elle n’est pas que belle : il y a aussi une atmosphère particulière, un bien-être diffus que l’on inspire en même temps que l’air dans nos poumons.
C’est que Rouen, je le sais maintenant, a su concilier les trésors de son passé avec la richesse d’un quotidien où il fait bon vivre. Ce n’est pas si évident : j’ai traversé quantité de villes historiquement charmantes qui deviennent obsolètes dès lors qu’il s’agit d’y vivre, et plus seulement d’y passer en coup de vent. (Non, n’insistez pas, je ne citerai pas de noms !)
Son histoire est riche, très riche. Bien sûr, la place du Vieux-Marché rappelle le supplice infligé à Jeanne d’Arc, la pucelle d’Orléans, en 1431, après qu’elle a aidé à bouter les Anglais hors de France. Le palais archiépiscopal de la ville abrita ensuite son procès en réhabilitation, voulu par Charles VII en 1456.
Mais l’histoire, à Rouen, ne s’arrête à pas à cette place, ni à cet événement. Les maisons à colombages, l’Abbatiale Saint Ouen, la rue du Gros-Horloge et surtout la cathédrale Notre-Dame, dont l’architecture imposante domine la ville, et qui a des origines qui remontent au IVe siècle, nous font littéralement remonter les couloirs du temps.
Un lieu hautement culturel
La dimension culturelle est essentielle pour qu’une ville soit agréable à vivre. Rouen l’a bien compris, qui ne s’est pas contenté de se reposer sur les lauriers de Jeanne d’Arc pour vivifier son quotidien. Depuis 2002, elle est labellisée « Ville d’art et d’histoire » (une distinction attribuée par le ministère de la Culture). Et elle est la commune française qui compte le plus d’édifices classés par habitant.
Flaubert et Maupassant l’ont fait rayonner, et Claude Monet y a trouvé son inspiration, comme nombre de ses collègues impressionnistes de l’école de Rouen – que l’on retrouve, le temps de quelques œuvres, au musée des Beaux-arts. Monet y a peint sa célèbre série des Cathédrales de Rouen, une manière de rendre hommage à une ville qu’il aimait tant.
Les salles de spectacle y sont nombreuses et ne s’arrêtent pas au Théâtre des Arts, proposant un agenda culturel impressionnant. Fan des compositions pour orgue de Bach, j’ai particulièrement apprécié la découverte du patrimoine organistique de la ville : les premiers instruments remontent au XVe siècle et sont protégés, et mis en valeur, par une association dédiée.
Visiter Rouen…et bien manger !
Parce que la culture, c’est aussi celle des papilles, je me suis dévoué pour goûter à des spécialités de Rouen et de la vallée de Seine. Il m’a fallu déguster un délicieux caneton à la rouennaise, ou « canard au sang » – des filets, pattes et ailerons de caneton moutardés, rôtis et grillés, nappés de sauce « rouennaise » à base de vin de Bordeaux et d’échalotes, le tout flambé et servi avec une pomme caramélisée au four.
Mais moi, mon truc, c’est le fromage. Tous les fromages. Et pour ça, Rouen (comme toute la Normandie) tient du miracle. Camembert et Neufchatel n’ont pas fait long feu face à mon appétit gargantuesque de produits laitiers, avec un bon pain du cru. J’ai conclu avec quelques larmes de Jeanne d’Arc (des amandes grillées légèrement caramélisées et enrobées de chocolat), histoire de finir sur une note sucrée.
Malheureusement, j’ai choisi de visiter Rouen en été et n’ai donc pas pu profiter d’une manifestation dont le seul nom est déjà merveilleux : la Fête du Ventre. Cette tradition ressuscitée du terroir se tient sur deux jours en octobre, et son seul mot d’ordre est : manger bien en partageant du bon temps. Que demande le peuple ?
Ce week-end m’a donc fait changer d’avis, complètement. Rouen n’est pas ce que j’imaginais. Rouen n’est pas figée, perpétuellement prisonnière de son ambre historique. Rouen est vivante, et bien vivante ; culturellement dynamique, elle déploie des trésors d’inventivité pour faire résonner son histoire passée avec son présent. Et offrir le meilleur de la Normandie. J’en veux encore !
Baptiste
No comments